Nouvelle-Calédonie :Les indépendantistes majoritaires dans le gouvernement

En devenant majoritaires dans le 17 ème gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes viennent de remporter une victoire politique importante dans l’évolution de cette île vers un changement de statut.

Les mouvements politiques nés entre 1953 (création de l’Union calédonienne) et les années 1980, ont fait émerger une diversité de points de vue et de sensibilités sur le futur du pays. Choix de l’indépen- dance totale, de l’indépendance- association ou de l’autonomie, les solutions n’ont pas manqué sur la base d’une analyse de la situation coloniale proche de l’apartheid qui régnait dans le territoire. Dans les années 1980, la situation deviendra explosive. Rappelons que le secrétaire de l’Union calé- donienne, Pierre Declercq est assassiné en 1981, assassinat non élucidé à ce jour, Eloi Machoro qui lui succède sera abattu par les militaires français en 1985.

L’épisode dramatique de la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa en 1988, est resté comme une tâche ineffaçable sur l’action de la France. L’assaut fit 19 morts parmi les indé- pendantistes et deux parmi les gen- darmes. Les accords de Matignon qui furent conclus cette année-là par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), dirigé par Jean-Marie Djibaou, et le Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) dirigé par Jacques Lafleur, mirent fin aux hostilités, avec une amnistie géné- rale des belligérants et ouvrirent la voie a un processus de décolonisa- tion. C’est donc les résultats d’une lutte anti-coloniale récente LA GESTION DES AFFAIRES APROGRESSIVEMENT ÉTÉ CONFIÉE AUX ÉLUS DU TERRITOIRE

Conclus en 1998 les accords de Nouméa sont conçus pour enca- drer le transfert de compétences visant à préparer le territoire à une autonomie de gestion, quelle que soit son évolution statutaire. Celle-ci sera décidée par un réfé- rendum spécifique à la Nouvelle- Calédonie, après une période de transition de vingt ans. Le préam- bule des accords est limpide sur le constat : «La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu"elle a privé de son iden- tité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résul- tées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de recon- naître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confis- quée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nou- velle souveraineté, partagée dans un destin commun».

Partant de là, la gestion des af- faires a progressivement été con- fiée aux élus du territoire, et les compétences du gouvernement de Nouvelle-Calédonie couvrent aujourd’hui un très grand nombre de domaines, sauf les compé- tences régaliennes qui restent du ressort de l’État.UN TROISIÈME RÉFÉRENDUMENCORE INCERTAINAprès deux référendums ayant abouti à un maintien du statu quo, une troisième consultation doit être organisée bientôt. Elle pourrait déboucher sur un changement de statut, et la Nouvelle-Calédonie deviendrait alors un Etat à part entière, la Kanaky. Ce n’est pas encore fait. La question du corps électoral se pose. Elle s’est déjà posée avec acuité pour le référen- dum d’octobre 2020. Cette ques- tion résonne d’une manière particu- lière si l’on se souvient en effet des déclarations très claires du Premier ministre Pierre Messmer, en 1972.

«La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est proba- blement le dernier territoire tropi- cal non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émi- grer ses ressortissants. À court et moyen terme, l’immigration mas- sive de citoyens français métropoli- tains ou originaires des départe- ments d’Ou-tre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce dan- ger [de l’indépendance] en main- tenant et en améliorant le rapport numérique des communautés».

C’est donc un troisième référen- dum encore incertain. Toute ressemblance avec la situation des Antilles est (bien sûr !) purement fortuite…