Haïti s’enfonce dans la crise

Depuis des mois, Haïti vit une énième crise politique, dans une indifférence internationale assez notable. Le Président actuel, Jovenel Moïse, s’accroche au pouvoir et ajoute une touche dictatoriale au portrait déjà peu reluisant que les plus hautes ins- tances juridiques avaient mise en évidence, celui d’un homme profondément corrompu, en particulier dans le scandale Petrocaribe.

LA SITUATION ESTTOTALEMENT BLOQUÉE

Jovenel Moïse aurait dû laisser le pouvoir le 7 février 2021, compte tenu de la fin de mandat de son prédécesseur, Michel Marthely, cinq ans plus tôt. Mais différentes péripéties électorales ont retardé son investiture qui n’a pu avoir lieu finalement qu’un an plus tard. Jouant sur cette ambiguïté, Moïse reste actuellement en place, bien que l’opposition ait nommé le juge Joseph Mécène Jean-Louis comme Président intérimaire, depuis le 7 février 2021. La situation est tota- lement bloquée. Ni le Sénat, ni l’Assemblée nationale ne peuvent se réunir faute d’élections. Depuis janvier 2020le Président gou- verne par décrets.UNE DESCENTE AUX ENFERS DE LA POPULATION AVEC DE GRAVES ATTEINTES AUX DROITS DE L’HOMME

Non content d’avoir verrouillé la situation politique, Jovenel Moïse et ceux qui le soutiennent, organi- sent la répression contre les oppo- sants, en maintenant en prison les fonctionnaires qui refusent d’appli- quer ses ordres. A titre d’exemple, au plus haut niveau, il a arbitraire- ment mis à la retraire trois juges de la Cour de cassation qui avaient statué pour faire respecter la durée de son mandat et sa fin le 7 février 2021, sans observer d’aucune façon la Constitution.

Comme si cela ne suffisait pas, la situation s’est encore aggravée pour la population avec une mon- tée très sensible de l’insécurité, en particulier dans l’agglomération de Port-au-Prince au sens large. Des quartiers entiers, comme celui de Martissant sont désertés par leurs habitants à cause d’une vertigineuse montée de la vio- lence des gangs. Dans l’ensemble du pays, les chiffres donnent la mesure du désastre. En trois mois depuis le début de l’année, 117 assassinats, 142 enlèvements. Il y a eu 91 enlèvements pour le seul mois d’avril. C’est une spirale infer- nale dont personne ne voit la fin. La police nationale d’Haïti est totale- ment débordée.UNE DÉMOCRATIE VÉRITABLE,L’UNE DES CONDITIONS DE L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS MATÉRIELLES

Une des problématiques particu- lières d’Haïti réside dans l’impunité généralisée qui continue d’être la règle. C’est un des plus grands obs- tacles à l’instauration de la démo- cratie véritable à laquelle aspire légi- timement l’ensemble de la popula- tion. Cette démocratie est une des conditions de l’amélioration des conditions matérielles de la popula- tion, qui vit également une pro- fonde crise alimentaire. N’oublions pas que, dans un pays en proie à une très grande pauvreté, il existe de grandes fortunes. Il suffit d’évoquer l’indice de Gini qui mesure la disper- sion des revenus. Haïti est un des pays des plus inégalitaires du monde. Dans ce contexte, les foules immenses qui ont investi les rues, juste avant l’épidémie de Covid, ont montré plus que de grands discours, que le peuple haïtien est toujours debout pour sa liberté. Il faut donc soutenir son combat pour imposer la démocratie, comme les progres- sistes l’ont toujours fait, en particu- lier dans la Caraïbe, tant il est vrai que tout caribéen a deux patries, la sienne et Haïti.