Une journée à Marie-Galante en plein confinement

Las de ces temps moroses, de ces restrictions sanitaires à répé- tition et de ces mauvaises nou- velles successives qui assènent la Guadeloupe depuis tant de semaines, j’ai eu envie de pren- dre un bol d’air durant une jour- née. Après avoir découvert La Désirade la semaine dernière, j’ai choisi de partir à la rencontre de l’île de Marie- Galante.

Je me rends à la gare mari- time Bergevin à Pointe-à- Pitre pour prendre le bateau pour ma destination du jour. C’est jeudi et les jeudis (et les mardis) ce sont les «tout piti» prix avec l’Express des îles. Comptez 24€ l’aller-retour.

Il n’y a pas beaucoup de monde dans la navette et surtout il n’y a pas de gendarmes à l’horizon. Je suis en règle dans mes papiers mais j’ai toujours la crainte de les voir. Je ne me ferai jamais à cette privation de liberté qu’est le confi- nement mais, heureusement, je peux toujours effectuer mon métier de journaliste. La traversée dure une heure. A mon arrivée à Marie-Galante, le soleil (et mon loueur de voiture) m’atten- dent bien gentiment. Le parc auto- mobile des voitures de location se situe juste à côté de la gare, vous pourrez vous y rendre à pied. Aujourd’hui, le parking est plein.

Peu de voitures sont louées et c’est dans ce genre de situations que l’on se rend qu’il n’y a plus aucun touriste en Guadeloupe. Il me pro- pose de louer une moto 125 cm3 mais désormais il faut détenir le permis A1

. J’hésite aussi à louer un quad, cela peut-être drôle. Il est aussi possible de visiter l’île à che- val mais j’opte finalement pour une voiture, 30€ la journée. Car il faut savoir que Marie-Galante est la troisième île des Antilles fran- çaises en termes de superficie, environ 158 km², après la Guadeloupe et la Martinique, et j’ai envie de pouvoir faire tout le tour.LE TOUR DE L’ÎLED’EST EN OUEST

Marie-Galante a cet avantage d’avoir une forme ronde. Elle est d’ailleurs surnommée «la grande galette». Le village de Grand-Bourg est vivant à cette heure matinale et je sillonne les rues accompagné de mon délice du jour, un pâté goyave.

Je décide de commencer ma balade par l’est de l’île. A la sortie du bourg, je croise les enfants qui se baignent à la plage du troisième pont. La ren- trée étant décalée, ils peuvent encore s’amuser. C"est la plage familiale de l’île avec des carbets pour pique-niquer et des jeux dans l’eau. L’ambiance me fait penser à la plage de la Datcha au Gosier.

Mon premier stop se fait à l’Habitation Murat. Construite au XVIIème siècle, elle fut la plus grosse plantation de canne à sucre de la Guadeloupe. Avec le confinement, l’endroit est fermé au public mais j’aperçois le moulin (d’ailleurs Marie-Galante est aussi surnom- mée l’île aux Cent moulins), l’an- cienne sucrerie et la maison de maî- tre transformée en écomusée des Arts et Traditions populaires. Les espaces verts sont très bien entrete- nus et le lieu est chargé en histoire. Sa visite s’inscrit dans la Route de l’esclave, projet de l’Unesco. Si vous êtes intéressés, vous pourrez égale- ment visiter les habitations Roussel Trianon et Bézard.

J e poursuis ma route jusqu’à la pro- chaine ville : Capesterre. J’ai envie de voir les fresques murales peintes lors du festival Just Graff It qui a eu lieu en juillet. Je ne suis pas déçue. L es réalisations des street artistes amènent de la couleur dans ce bourg où les plages sont, encore u ne fois, investies de sargasses. Plage de la Feuillère ou l’Anse Feuillard, même constat. Les sar- ga

sses sont arrivées sur les côtes marie-galantaises et elles font des dégâts. Je ne vois ni sable blanc ni eau turquoise. J’ai l’espoir que le nord de l’île soit épargné.L’ENVIE DE NE PLUS REPARTIR

En roulant, je croise les panneaux directionnels menant aux trois dis- tilleries de l’île ; Bielle, Bellevue et Père Labat. Je ne bois pas d’alcool alors je passe mon chemin. Mais je connais la réputation mondiale du rhum de l’île ainsi que les difficultés qu’a connu ce secteur cette année du fait de la panne d’une chaudière lors de la récolte. Ce sont des tonnes de canne à sucre qui ont dû être transférées à l’usine Gardel au Moule. J’espère que tout a pu ren- trer dans l’ordre.

De mon côté, j’arrive à un lieu emblématique de l’île ; Gueule Grand Gouffre et c’est impression- nant ! Le long du littoral, ce trou fait dans la roche, à ciel ouvert, laisse apparaître la mer. Protégés par un promontoire et une barrière, vous pourrez admirer la cavité creusée par la nature et les vagues et ainsi profiter de la vue sur La Désirade. Tout cela me donne envie de me baigner ! J’ai encore le temps, il n’est pas 11h et les plages sont toujours accessibles. Je roule et je ne croise toujours personne. Marie-Galante a la plus faible densité de population de Guadeloupe, environ 70 habi- tants/km. Ceci explique cela. J’espérais aussi croiser des chars à boeufs comme c’est la tradition mais il faut penser qu’ils étaient en repos aujourd’hui.

J’entre à Vieux-Fort et, là, mes yeux se mettent à briller à la vue des étendues de plages qui se succè- dent. Anse Bambou, Plage de Vieux Fort, Plage Moustique, Anse de Mays, c’est sublime, magnifique, sauvage… Les adjectifs me man- quent. Je suis seule sur ces plages, quelle chance. Les tâches tur- quoises dans cette mer si calme m’apportent un sentiment de séré- nité et de douceur qui me faisait défaut ces derniers temps. Je pose ma serviette à Anse Canot et je me prélasse dans l’eau. Il n’y a rien qui pourrait contrarier ce moment. La Guadeloupe est en face de moi et je me sens ailleurs.

J’aurais envie de rester un jour sup- plémentaire sur cette île mais la navette n’attend pas. Je m’arrête un instant à Saint-Louis pour admirer la baie. Avant d’embarquer, une dame me fait goûter le sirop de batterie, un concentré du jus de canne, typique de l’île. J’en achète une bou- teille, cela me fera un joli souvenir.