LE MASSACRE DE MAI 1967 Le PCG renouvelle son appel aux organisations anticolonialistes et aux patriotes

Les 26 et 27 mai 2022, marqueront le 55 ème anniversaire de ce crime odieux de l’Etat colonial français en Guadeloupe dont les motivations politiques et straté- giques réelles et le nombre exact de victimes restent toujours enfermés dans les archives, scellés sous le sceau du sacro-saint «secret d’Etat».

Les Guadeloupéens, surtout ceux engagés dans la lutte de décoloni- sation, n’oublient pas. Ils honorent la mémoire des victimes connues de cette abominable tuerie, mais, surtout, ils exigent la vérité sur ce qui s’est passé à Pointe-à-Pitre durant ces deux jours.

Il faut reconnaître que la persistanceet l’aggravation des divergences dans le camp anticolonialiste qui ont largement facilité le plan de neutralisation du mouvement national en Guadeloupe a parfaite- ment fonctionné. Cinquante-cinq après, les reculs sur ce front de lutte sont encore visibles.

La morale politique, surtout révo- lutionnaire, nous commande de procéder à une autocritique hon- nête des causes de ces massacres et de la gestion de ses consé- quences politiques.

L’appel lancé par le Parti Com- muniste Guadeloupéen aux organi- sations anticolonialistes et aux patriotes guadeloupéens de travail- ler ensemble à la tenue d’une Conférence nationale sur le thème«Mé 67 : Vérité et réconciliation», le 27 mai 2017, rappelé en 2018, est resté à ce jour sans réponses.

Pourtant, les questions de fond que nous avons posées dans notre appel, hantent toujours les rela- tions entre les organisations anti- colonialistes et les relations de ces dernières avec le pays réel.

Aussi, à l’occasion de du 55 ème anniversaire de ces événements tragiques, le Parti Communiste Guadeloupéen réitère, avec insis- tance, son appel aux organisa- tions anticolonialistes et aux patriotes guadeloupéens.Le Secrétaire général Felix Alain Flémin LETTRE OUVERTE AUX ORGANISATIONS ANTI-COLONIALISTES ET AUX PATRIOTES GUADELOUPEENSMAI 1967 : 50 ANS APRES, EST VENU LE TEMPS DES VERITESET DE LA RECONCILIATIONChers(es) compatriotes,

Les 26 et 27 mai prochain, les Guadeloupéens vont s"arrêter pour «sonjé» Mai 1967, pour honorer la mémoire des victimes de ce massa- cre de masse, commis à Pointe-à- Pitre par les forces de répression de l"armée française.

Ce crime, perpétré sur ordre des plus hautes autorités de l"Etat fran- çais, et dont le nombre de morts et de blessés n"est toujours pas connu avec certitude -on parle de 8 à 80 morts dans les déclarations offi- cielles- sera revisité à la veille d"une autre grande date de notre histoire, l"anniversaire de l"abolition de l"es- clavage des nègres.

Le lien entre ces deux crimes porteun nom : le colonialisme français

Les descendants des esclaves, les forces de progrès, les humanistes, ont réussi, après 150 ans de men- songes et de falsifications des Etats qui se sont enrichis de ce commerce abominable, à faire reconnaître l"esclavage comme un crime contre l"humanité.

Cinquante ans après la tuerie sau- vage dans les rues de Pointe à Pitre, l"Etat français cache toujours son rôle de bourreau. Sous le voile du silence, il recouvre son crime du sceau de secret d"Etat.

Il nous faut reconnaître, que nous lui avons grandement facilité la tâche. Car, à la vérité, l"analyse de la situa- tion à l"origine de cette violence aveugle qui a déferlé sur Pointe-à- Pitre et ses retombées politiques et sociologiques a été, orientée, parti- sane, voire à certains égards, tra- vestie par les forces politiques et sociales guadeloupéennes.

Cela a eu comme première consé- quence de déplacer les responsa- bilités, d"occulter le caractère pré- médité de cette décision de mas- sacrer, prise au plus haut niveau de l"Etat français, dans le but d"éli- miner ce qu"il considérait comme un danger intérieur, menaçant sa présence coloniale en Guade- loupe et dans la Caraïbe.Quel était ce danger, qui était cetennemi intérieur en 1967 en Guadeloupe, pour faire perdre son sang-froid au pouvoir français et le conduire à commettre un tel crime à Pointe-à-Pitre ?

Aucune réponse sérieuse et consen- suelle n"a été apportée à ces ques- tions, jusqu"à aujourd"hui.

L"ennemi, pourtant identifié, visi- ble : l"Etat français qui a fait parler les armes, les tribunaux, ses agences de renseignements et de désinformation, pouvait tranquil- lement se présenter les mains blanches à la face du monde.

Les Communistes guadeloupéens ont subi, pendant 40 ans, un procès à charge pour cause de trahison et de collaboration. Alors que, dès le 30 mai 1967, soit 3 jours après les évènements, le député commu- niste Paul Lacavé intervenait à l"Assemblée nationale pour dénon- cer le crime et demander :

- Le retrait des forces de répression de la ville de Pointe-à-Pitre. - La libération de tous les prisonniers - L"indemnisation des familles de toutes les victimes.

Une année après, le 27 mai 1968, il déposait, avec le groupe commu- niste, une proposition de loi sur les bureaux de l"Assemblée nationale réclamant la mise en place d"une commission d"enquête parlemen- taire sur les évènements de mai 1967 en Guadeloupe. Les groupes révolutionnaires qui rêvaient de bouter le colonialisme français à la mer, sitôt terminé le procès des patriotes début 1968 à Paris, s"enfermaient dans le silence et les dénis, disparaissaient dans la nature, laissant l"auteur du crime seul maître du terrain.

Il a fallu attendre 1997, soit trente ans après, pour entendre s"élever une revendication poli- tique par la voie de la municipa- lité communiste de Petit-Canal avec le dépôt d"une requête demandant à l"Etat colonial l"ouverture d"une enquête sur les évènements des 26 et 27 mai 1967.

C"est seulement en octobre 2006 qu"a vu le jour, l"association «ANMWE 67» qui se donnait pour mission de faire toute la lumière sur les évènements tragiques de mai 1967 à Pointe-à-Pitre.

Des choses importantes ont été faites par cette association sur le plan de l"histoire, de la mémoire et de l"interpellation politique de l"Etat français.

Ces combats livrés ensemble, 40 ans après les faits, pour le triomphe de la vérité, la justice et la condamnation du crime ont ouvert une brèche dans le mur de silence dressé par l"Etat, avec la mise en place d"une commission d"informations et de recherches historiques sur ces évènements par le ministère de l"Outre-Mer.

L e rapport de cette commission dit rapport Stora, n"a apporté aucune réponsevalable, vraiment nou- velle, permettant de satisfaire les demandes de vérité et de justice e xprimées par les Guadeloupéens.

La lutte continue donc pour faire é clater toute la lumière sur ce crime d"Etat en Guadeloupe.

Mais, la recherche de la vérité ne s"arrête pas seulement au rôle de l"Etat, au nombre de morts et de blessés, au traumatisme psycholo- gique généré par ce massacre.

Le moment est venu aussi, pour les Guadeloupéens, d"ouvrir avec cou- rage et humilité le nécessaire débat sur leur implication dans ces évènements et la gestion politique qu"ils en ont faite.

Certes, des historiens, des journa- listes, des intellectuels ont écrit et parlé, ont cherché à expliquer le cours des évènements, ont tiré par- fois des conclusions fortement impactées de leur vécu et de leur prisme idéologique.

Mais les acteurs politiques, les organisations anti-colonialistes et patriotiques directement concer- nés par le développement de la s ituation qui a conduit à ces évène- ments, n"ont jamais, jusqu"à ce jour, osé ouvrir un débat public sur les massacres de Mai 1967.

S i les acteurs principaux ne sont plus là, les continuateurs, les héri- tiers politiques et idéologiques du G ONG, du groupe la vérité, du Progrès social, du Parti Commu- niste Guadeloupéen, des anciens prisonniers, des patriotes, sont là.

Il nous faut parler ensemble, nous le devons aux nouvelles généra- tions, c"est notre responsabilité.

Aujourd"hui encore, malgré les apparences, les zones d"ombre, les antagonismes et les rancoeurs, per- sistent toujours dans le silence et le masko permanent.

C"est cette réalité qui explique que toutes les tentatives d"unir les forces anti-colonialistes sur une stratégie de libération : depuis les Etats Généraux du peuple guade- loupéen jusqu"au FPAC, se sont sol- dées par des échecs.

Nous faisons ensemble, mais nousne sommes pas ensemble

Le Parti Communiste Guadelou- péen, qui ne s"est jamais dérobé à s es responsabilités, est prêt pour ouvrir la voie à une expression com- mune sur les évènements de mai 1967, conduisant à la réconciliation, à soumettre à l"analyse critique de t outes les forces anti-colonialistes et patriotiques ses déclarations, prises de position, dans les évènements de m ai 1967. Il demande aux autres forces et aux patriotes de faire la même chose pour nous permet- tre de sortir ensemble du bourbier de mai 67, afin d"offrir une nou- velle perspective à la jeunesse guadeloupéenne.

Pour mener à bien ce travail, il propose à toutes les organisa- tions anti-colonialistes, à tous les patriotes guadeloupéens de travailler ensemble à la tenue d"une conférence nationale sur le thème : «Mai 1967 : Vérités et réconciliation».

Dans l"espoir que cet appel sera entendu et que l"impérieuse néces- sité de travailler ensemble au renou- veau du mouvement national gua- deloupéen l"emportera sur le secta- risme, les rancoeurs et les diver- gences, le Parti Communiste Gua- deloupéen adresse à tous, l"assu- rance de ses sentiments commu- nistes et patriotiques. Le Secrétaire général, Félix Alain FléminPublié en Mai 2017 n°723-724