ELECTIONS LEGISLATIVES EN FRANCE : L"abstention récidive et bat un nouveau record !

N ous tenterons dans cet arti- cle d"analyser cette situa- tion alarmante pour la vie démocratique française à savoir :

• Qui sont ces abstentionnistes • Les raisons de l"abstention • Et les conséquences de cette abstention.LE PROFIL DESABSTENTIONNISTES

Tout d"abord plusieurs sources indi- quent que ce sont les moins de 60 ans qui se sont les plus abstenus. Et ce qui est le plus étonnant, les 25- 34 ans ont été les plus nombreux soit 71%. Blasée par les élections, par la démocratie telle qu"elle est exercée, par l"attitude arrogante du pouvoir, la jeune génération vote de moins en moins. Mais d’après cer- tains sociologues, les jeunes fran- çais ne sont pas pour autant dépoli- tisés. Aujourd"hui, cette génération s"exprime davantage sur les réseaux sociaux et s"engage plus facilement sur des actions protestataires.

Si la participation diffère selon l"âge, c"est aussi le cas en fonction du milieu social. Ainsi, une majo- rité d"électeurs affirmant appar- tenir aux classes moyennes infé- rieures, aux catégories populaires et aux défavorisés se sont abste- nus. C"est parmi ceux qui se disent défavorisés que l"absten- tion est la plus forte, avec 61%.

Il en va de même pour les revenus : une majorité d"électeurs gagnant moins de 2 000 euros net par mois se sont abstenus. C"est chez ceux qui gagnent moins de 1 250 euros net par mois qu"il y a le plus d"abs- tentionnistes (61%).

L"abstention, est majoritaire chez tous les actifs, qu"ils soient em- ployés (65%), ouvriers (62%), pro- fession intermédiaire (57%) ou cadres (53%), et quel que soit le statut de l"électeur (salarié du privé ou du public, à son compte, au chômage).

Un des sondages montre aussi que moins les électeurs sont satisfaits de leur vie, plus ils s"abstiennent. Ainsi, 57% de ceux qui ne sont pas du tout satisfaits de leur vie ne sont pas allés voter au pre- mier tour des législatives.

LES RAISONS DE L"ABSTENTION

Si l"abstention a battu tous les records, il s"avère cependant que le taux d"abstention a commencé à s"amplifier au fil des années. Cela signifie t-il pour autant un désinté- rêt pour la chose publique ? A notre avis, loin de là. Alors, comment expliquer alors cet état de fait ?

Rappelons que l"Assemblée natio- nale est un organe démocratique de délibération et de décision. Or, l"absence de prise en compte des situations d"injustice, le sentiment que les vraies préoccupations n"ont pas été traitées, ont créé ainsi de fortes frustrations. Et justement lors de ces élections législatives et voire présidentielles, le pouvoir par l"attitude du président Emmanuel Macron s"est enfermé dans un mutisme alors que les citoyens attendaient des propositions et mesures concrètes face à la crise du système éducatif, au mal-être des hôpitaux, au délitement des services publics, à la crise écolo- gique. Alors pourquoi les élec- teurs n’en feraient-ils pas autant en s"abstenant ?

La façon pour Emmanuel Macron d’avoir considéré l"Assemblée natio- nale comme une chambre d"enre- gistrement du gouvernement est aussi une explication du désintérêt pour ce vote. Les citoyens ne votent plus pour un député local, qui pren- dra à bras-le-corps les problèmes de sa circonscription, mais pour un sol- dat discipliné et obéissant aveuglé- ment au président-roi de l’Elysée.

Un autre facteur grandissant au fil des années : un discrédit moral du personnel politique. A croire les résultats d"une enquête réalisée en février 2022, près de 69% des 18-24 ans estiment que les hommes politiques sont corrom- pus. Forcé-ment, en couplant la défiance grandissante vis-à-vis des représentants politiques et l"offre qui ne satisfait plus les élec- teurs, le résultat est donc sans appel. On ne se déplace pas même pas pour mettre un bulletin blanc car de toutes les façons ce bulletin ne sera pas reconnu.

U ne autre explication possible est née suite à l"inversion du calendrier électoral. En effet, depuis 2002, l "élection des députés suit de quelques semaines celle du prési- dent, ce qui a contribué à désinté- resser les électeurs des législatives, notamment quand leur candidat f avori n"a pas réussi à accéder à l’Élysée. Dans le contexte politique de 2022, cette forte abstention s"explique aussi par «le manque de débats entre la présidentielle et les législatives», une stratégie de la part d"Emmanuel Macron pour éviter de mobiliser et de cliver l"électorat.

Il y a aussi dans une moindre mesure mais qui aurait de l"intérêt pour plus de démocratie et donc plus d"intérêt pour les citoyens, c"est le mode de scrutin. En effet, de plus en plus de voix pense que ce mode de scrutin est dépassé et devrait être remplacé par une dose de proportionnelle afin de corriger justement les excès du scrutin majoritaire. Si cela permettrait d"avoir une meilleure représenta- tion plus conforme à la réalité, ce nouveau scrutin ne rétablirait pas à lui seul la confiance entre les élus et les électeurs.L"ABSTENTION :LE PARADOXE FRANÇAIS

Élire des représentants qui vont fabriquer la loi est un geste fonda- mental dans une démocratie nor- male. Or malgré toutes les explica- tions énoncées plus haut, comment comprendre qu"une partie des Français qui ne votent pas repro- c hent au président Emmanuel Macron une forme d’exercice soli- taire, voire autoritaire du pouvoir. Si l"Assemblée nationale est le lieu d"expression des contre-pouvoirs, p ourquoi alors ce repli dans l"abs- tention ? C"est un paradoxe qui a peut-être ses réponses ! Une dépo- litisation qui s"installe ?LES CONSEQUENCESDE CETTE ABSTENTION

Quelque soit le taux d"abstention, quand les élections ont lieu dans les conditions de sincérité et de transparence, la valeur légale des résultats du vote n"est pas remise en cause. La légitimité des élus est bien réelle.

Cependant, la légitimité des déci- sions votées peut, indépendam- ment de leur valeur légale, être fra- gilisée, notamment par l"idée que la «majorité silencieuse» ne se serait pas exprimée par le vote. Car pour gouverner «au nom du peuple», il faut aussi pouvoir gouverner «avec le peuple». Les taux d’abstention aussi élevés en France posent des questions fortes : Comment revita- liser le lien démocratique ? Cons- truire entre deux élections la légiti- mité politique des décisions prises ? Éviter à nouveau de grandes crises comme celle des gilets jaunes ? Alors quelles sont les pistes pour lut- ter contre cette forte abstention ? Pour lutter durablement contre l "abstention la nécessité du rétablis- sement de la confiance des citoyens envers la politique et les responsa- b les politiques est le premier niveau des solutions à mettre en oeuvre. Notons que le Parti Communiste Guadeloupéen avait depuis fort longtemps fait des propositions t out aussi valables pour la France à savoir la mise en place du statut de l"élu et une loi sur le cumul des man- dats. La question de la révocation possible des élus dans l"exercice de son mandat pourrait être égale- ment un moyen pour les citoyens d"exercer leur responsabilité.

Sur un plan plus technique, cer- taines idées mises en oeuvre dans d"autres pays pourraient être sérieusement étudiées pour faire progresser le taux de participation : le vote à 16 ans, la prise en compte du vote blanc dans les résultats des suffrages exprimés, la proportion- nelle. D"autres idées sont mises en oeuvre dans certains pays mais ren- contrent en France des réticences : le vote obligatoire, le vote numé- rique, le vote par correspondance, l’inscription sur les listes électorales possible jusqu’au jour du vote.

En attendant que le problème de l"abstention soit corrigé, les français devront choisir leurs députés ce dimanche. Une grande incertitude demeure : celle que Macron n"est pas assuré d"avoir la majorité abso- lue. De toutes les façons, quelque soit l"issue des résultats le grand vainqueur sera l"abstention !